Le Tessin tournera-t-il le dos au cannabis expérimental ?
đ Depuis la lĂ©galisation en Suisse de la vente rĂ©glementĂ©e de cannabis Ă petite Ă©chelle en 2021, plusieurs villes et cantons se sont lancĂ©s avec curiositĂ©, pragmatisme et une dose de modernitĂ© dans des projets de recherche encadrĂ©s sur la consommation de cannabis. đ Ces essais pilotes ne rendent pas le cannabis libre et dispo partout comme dans une boutique de confiserie, mais ils permettent Ă des adultes sĂ©lectionnĂ©s de se procurer des produits de qualitĂ© contrĂŽlĂ©e dans un cadre strictement scientifique. đ Lâobjectif ? Ătudier les comportements de consommation, lâimpact sur la santĂ© publique, les Ă©ventuelles dĂ©rives⊠et tirer des leçons concrĂštes pour guider une politique nationale rĂ©aliste.
đŹ Environ sept projets sont dĂ©jĂ lancĂ©s, avec lâappui de lâOffice fĂ©dĂ©ral de la santĂ© publique (OFSP), qui coordonne et supervise les initiatives. đ GenĂšve, BĂąle, Zurich ou encore Berne ont dit oui en mode « allons voir ce que ça donne », et les premiers rĂ©sultats commencent Ă pointer doucement le bout de leur nez. đ€ Mais tout le monde nâest pas aussi enthousiaste, et le canton du Tessin incarne aujourdâhui cette prudence trĂšs helvĂ©tique (voire une rĂ©ticence Ă peine voilĂ©e) qui freine lâĂ©lan national.
Un projet qui piétine depuis une décennie
âł LâidĂ©e dâun essai pilote au Tessin, ce nâest pas un dĂ©lire sorti de nulle part en 2024. đź Cela fait prĂšs de dix ans que plusieurs acteurs locaux sâactivent pour proposer une alternative encadrĂ©e Ă la politique actuelle sur le cannabis. đ§ MĂ©decins, chercheurs, travailleurs sociaux : tout un petit Ă©cosystĂšme engagĂ© dans la santĂ© publique ne demande quâĂ explorer, Ă©valuer et mieux comprendre comment une distribution lĂ©gale pourrait influer sur le comportement des consommateurs. đ Pourtant, malgrĂ© lâimpulsion donnĂ©e par les lĂ©gislateurs fĂ©dĂ©raux en 2021, le Tessin reste scotchĂ© dans les starting-blocks, incapable de lancer la course.
đ€ Deux projets concrets ont pourtant Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s rĂ©cemment dans cette rĂ©gion italophone de la Suisse, prĂȘts Ă ĂȘtre soumis Ă lâapprobation fĂ©dĂ©rale. đ Ils visaient Ă intĂ©grer des centaines de participants adultes volontaires dans une expĂ©rimentation rigoureusement encadrĂ©e, oĂč le cannabis serait distribuĂ© via des canaux officiels pendant deux ans, avec suivi mĂ©dical, entretiens rĂ©guliers et collecte de donnĂ©es approfondie. đ± Mais patatras : le Grand Conseil tessinois, sorte de parlement cantonal local, a tapĂ© du poing sur la table et dĂ©cidĂ© de ne rien cautionner officiellement. đ RĂ©sultat : sans ce soutien politique minimal, les projets stagnent.
Quand la politique s’en mĂȘle, tout ralentit
đ Le problĂšme, câest que sans lâonction symbolique du Grand Conseil, les autoritĂ©s du canton refusent de fournir une plateforme de soutien aux porteurs de projets, ce qui rend leur validation bien plus complexe au niveau fĂ©dĂ©ral. âïž On est donc dans une situation absurde oĂč tout est prĂȘt cĂŽtĂ© scientifique, oĂč les questions de logistique ont Ă©tĂ© anticipĂ©es, mais oĂč lâimmobilisme administratif met tout en pause. đ Au lieu de poser la question « quel est le meilleur cadre pour tester une rĂ©gulation intelligente du cannabis ? », certains Ă©lus prĂ©fĂšrent ne pas se mouiller et laissent passer le train.
đł Le plus piquant dans cette histoire, câest que la loi suisse autorise ces essais quand ils sont minutieusement encadrĂ©s, ce qui est dĂ©jĂ le cas ici. đšâđŹ Ce ne sont pas des joints distribuĂ©s sur la place du village, mais plutĂŽt des Ă©tudes de terrain rĂ©alisĂ©es en collaboration avec des laboratoires, des psychologues et des professionnels de santĂ©. đĄ Rien de rĂ©volutionnaire⊠sauf quand il sâagit de briser des barriĂšres mentales.
Une fracture culturelle à peine déguisée
đ€š Il est difficile de ne pas pointer du doigt une rĂ©sistance culturelle au sein du canton du Tessin. đïž Avec sa forte tradition conservatrice sur certains sujets de sociĂ©tĂ©, la rĂ©gion semble avoir du mal Ă imaginer quâune consommation rĂ©gulĂ©e peut coexister avec une prĂ©vention des risques efficace. đ Certains y voient une glorification du cannabis, dâautres craignent une banalisation qui ouvrirait la porte Ă des abus. đ Bref, le dĂ©bat tourne vite au brouhaha idĂ©ologique, loin des donnĂ©es scientifiques.
đ Pourtant, si l’expĂ©rience des autres cantons montre bien quelque chose, câest que la connaissance du terrain est bien plus utile que la diabolisation. đȘ Il est difficile dâimaginer qu’un projet ultra-encadrĂ© va provoquer une explosion de toxicomanie ou de comportements dĂ©viants. đš Au contraire, en impliquant les usagers dans un cadre de confiance, ces essais permettent de mieux comprendre pourquoi et comment les gens consomment.
Un tournant manqué pour le Tessin ?
đ„Č Si la situation ne se dĂ©bloque pas, le Tessin pourrait bien passer Ă cĂŽtĂ© dâune occasion unique de participer activement Ă lâĂ©volution dâune politique de santĂ© publique plus rĂ©aliste. đ§© Pendant que d’autres rĂ©gions engrangent dĂ©jĂ de prĂ©cieuses donnĂ©es et ajustent leurs modĂšles, le sud de la Suisse reste sur la touche. đ” Câest dâautant plus frustrant que la rĂ©gion, comme les autres, nâest pas Ă©pargnĂ©e par les problĂšmes liĂ©s aux drogues illĂ©gales et au marchĂ© noir.
âïž Dans un monde qui Ă©volue rapidement sur le sujet â que ce soit au Canada, en Allemagne, aux Ătats-Unis ou ailleurs â la Suisse a fait le choix courageux de tester plutĂŽt que de condamner Ă lâaveugle. đ Mais pour que lâapproche soit complĂšte et inclusive, il faut que chaque canton joue le jeu. đŁïž Car oui, le Tessin a lui aussi une responsabilitĂ© : celle de ne pas se contenter de juger depuis les gradins, mais de contribuer Ă dessiner un avenir plus Ă©clairĂ©.
đŻ Ce dĂ©bat dĂ©passe largement la simple question du cannabis : il questionne notre capacitĂ© Ă innover, Ă sortir des sentiers battus en santĂ© publique et Ă poser les bonnes questions, sans peur des rĂ©ponses. â
Des questions comme : pourquoi les gens consomment du cannabis ? Quels sont leurs profils ? Que recherchent-ils exactement ? Comment limiter les risques sans stigmatiser ?
đ„ Alors que lâopinion publique suisse Ă©volue doucement mais sĂ»rement vers une vision plus tolĂ©rante et Ă©duquĂ©e de cette plante controversĂ©e, le Tessin ferait bien de ne pas rater le coche. đ Parce que participer activement au changement, câest aussi le meilleur moyen dâavoir une voix dans les dĂ©cisions Ă venir.
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