Quand lâAcadĂ©mie de MĂ©decine sâaccroche Ă la prohibition du cannabis
đż Le 9 avril dernier, lâAcadĂ©mie de MĂ©decine a rĂ©affirmĂ© avec force sa position : le cannabis, câest non đ« Lâinstitution française, censĂ©e reprĂ©senter le cĆur scientifique de la rĂ©flexion mĂ©dicale, persiste et signe dans une logique prohibitionniste qui soulĂšve autant de sourcils Ă©tonnĂ©s que dâindignations rĂ©flĂ©chies.
đ§ Alors que le dĂ©bat sur la lĂ©galisation du cannabis sâintensifie partout en Europe, lâAcadĂ©mie ne bouge pas dâun iota đ§± Elle brandit des Ă©tudes choisies avec prĂ©caution, mettant en avant un Ă©ventail de risques sanitaires : consommation chez les jeunes, altĂ©ration cognitive, troubles psychiques… Des points qui mĂ©ritent bien sĂ»r attention, mais qui semblent sortir dâun cadre biaisĂ© tant les autres aspects du sujet sont Ă©trangement passĂ©s sous silence.
đ Car oui, si les risques dâun usage abusif du cannabis sont rĂ©els, ils ne peuvent pas justifier Ă eux seuls une position rigide et un refus pur et simple de rĂ©flĂ©chir Ă des alternatives Ă la prohibition đ§ Cette derniĂšre, pourtant, entraine son propre lot de dommages que lâAcadĂ©mie semble volontairement ignorer. Criminalisation des usagers, encombrement judiciaire, financement des rĂ©seaux illĂ©gaux… Autant de consĂ©quences qui pĂšsent lourd dans la balance.
đą Et puis, comment ne pas Ă©voquer ce moment surrĂ©aliste oĂč un des membres de lâAcadĂ©mie a publiquement Ă©voquĂ© lâidĂ©e de « stĂ©riliser les droguĂ©s » đŁ Un propos glaçant qui a suscitĂ© une onde de choc dans le milieu mĂ©dical. Face Ă lâindignation, lâAcadĂ©mie sâest fendue dâun communiquĂ© prĂ©cipitĂ© pour sâen dĂ©solidariser. Mais le mal Ă©tait fait : en refusant le dĂ©bat, elle sâest exposĂ©e Ă sa propre disqualification intellectuelle.
đŹ Ce qui choque aussi, câest son opposition ferme Ă lâexpĂ©rimentation du cannabis thĂ©rapeutique đ LĂ oĂč de nombreux pays ouvrent la voie avec prudence mais conviction, la France reste Ă lâarrĂȘt. Et lâAcadĂ©mie y joue clairement les gardiens dâun temple quâil est pourtant urgent de rĂ©nover. Faut-il vraiment continuer Ă refuser une possibilitĂ© de soulagement pour des milliers de patients sous prĂ©texte dâun conservatisme mĂ©dical intemporel ?
đ Le monde Ă©volue, les mentalitĂ©s changent, et les gens ne veulent plus ĂȘtre infantilisĂ©s sur ces questions đ Ce nâest pas ĂȘtre irresponsable ou laxiste que de vouloir réévaluer des politiques publiques Ă lâaune de nouvelles donnĂ©es scientifiques. Au contraire, câest faire preuve de pragmatisme. Mais quand une institution refuse jusquâĂ cette rĂ©flexion, elle se dĂ©connecte des enjeux sociaux et scientifiques contemporains.
đ Ă bien y regarder, la position de lâAcadĂ©mie nâest pas tant scientifique que politique đ Elle se place comme garante morale dâun ordre social idĂ©al dans lequel la drogue, quelle quâelle soit, est un flĂ©au Ă Ă©radiquer. Une posture rappelant plus les campagnes de peur des annĂ©es 80 que le discours actuel, construit sur des donnĂ©es et une approche de rĂ©duction des risques.
đŻ Ce qui dĂ©range surtout, câest cette prĂ©tention Ă lâuniversalitĂ© du discours đ€ Comme si la question du cannabis devait ĂȘtre tranchĂ©e une fois pour toutes sur un mode vertical : « Circulez, yâa rien Ă voir » Cette fermeture met de cĂŽtĂ© les milliers de voix â mĂ©decins, chercheurs, patients, citoyens â qui rĂ©clament une autre vision de la santĂ© publique.
đŹ Comprendre le cannabis, ce nâest pas en faire lâapologie aveugle đ± Câest reconnaĂźtre quâil sâagit dâun sujet complexe, Ă multiples facettes, qui nĂ©cessite des rĂ©ponses aussi nuancĂ©es que les profils de ceux qui en consomment. Une stratĂ©gie de santĂ© publique digne de ce nom ne peut pas faire lâĂ©conomie dâun dialogue ouvert, Ă©quilibrĂ©, et bien informĂ©.
đ Partout dans le monde, des pays font le pari de la rĂ©gulation pour sortir de la spirale prohibition-rĂ©pression âïž Le Canada, lâAllemagne plus rĂ©cemment, certains Ătats amĂ©ricains… Ces expĂ©riences sont loin dâĂȘtre parfaites mais elles produisent un socle dâinformations objectives, loin des fantasmes.
đ€ Pourtant, lâAcadĂ©mie semble coincĂ©e dans une Ă©poque rĂ©volue đŒ LâĂ©poque oĂč lâon pensait quâun bon discours alarmiste suffisait Ă dĂ©courager des jeunes tenté·es de fumer un joint. Aujourdâhui, les adolescents rient face aux discours moralisateurs mais sâinforment en ligne, contournent la loi et participent Ă un marchĂ© noir… que la prohibition nourrit allĂšgrement.
đ§© Ce nâest pas un appel Ă lâanarchie des drogues (loin de lĂ !), mais Ă penser autrement les leviers de rĂ©gulation đŻ Lâencadrement, lâĂ©ducation, le contrĂŽle de qualitĂ©, la prĂ©vention ciblĂ©e : voilĂ les nouveaux outils dâune politique intelligente, efficace et respectueuse des droits individuels.
đ Laisser la prohibition en pilote automatique, câest aussi accepter quâun simple consommateur de cannabis prenne le risque de voir sa vie basculer Ă cause dâun contrĂŽle routier đŠ Ou dâun casier judiciaire qui le suivra des annĂ©es durant, lĂ oĂč dâautres pays le traiteraient comme un citoyen adulte capable de faire ses choix avec responsabilitĂ©.
đ§± Bref, si lâAcadĂ©mie souhaite vraiment protĂ©ger la santĂ© publique, elle doit aussi accepter de sortir du modĂšle tout-punition đ La santĂ©, ce nâest pas quâune affaire de biologie, câest aussi celle des droits, de lâĂ©thique, et de la justice sociale. Tirer un trait sur toute rĂ©forme au nom dâune vĂ©ritĂ© partiale, câest se couper dâun public qui rĂ©clame autre chose que la peur.
đŁïž Il est temps que le dĂ©bat avance avec sĂ©rĂ©nitĂ©, donnĂ©es en main, sans caricature ni mĂ©pris đŹ Lâavenir se construit dans le dialogue, pas dans lâimmobilisme.
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